Frankenstein et l'immobilisme français…


L'exception française, en bien ou en mal, on n'a pas fini d'en entendre parler dans les semaines et les mois à venir. Dès ce matin d'ailleurs en lisant la Presse étrangère. Enfin, en l'occurrence, le blog du très appréciable chroniqueur britannique de Decanter, Andrew Jefford. Oui, n'ayez crainte, il ne s'agit que de vin…
De quoi s'agit-il? Visiblement, Andrew Jefford a merveilleusement bien goûté un pinard que, personnellement, je ne connais ni d'Ève ni d'Adam. Pas à proprement parler un cru, mais un hybride, un de ces projets dont vous entendez généralement vanter les mérites dans tous les endroits où l'on a du mal à dissocier le vin de l'argent. Il y avait la "Chagune" de la famille Frey qui était un coupage de Chapelle-Jaboulet avec du Château La Lagune, le hennissant James "sucker" Suckling avait, lui, me semble-t-il, lancé une idée de blend planétaire, peu importe. Là, Andrew Jefford évoque The Eclectic One, un mélange de châteauneuf-du-pape, de pauillac et de coteaux-d'aix-en-provence. Et il trouve le résultat épatant, citant en référence une des icônes des amateurs de veaux d'or, Grange.
Évidemment, ce vin révolutionnaire, tellement audacieux, lui donne l'occasion d'écharper l'immobilisme français, la raideur de nos réglementations (ce n'est pas toujours inexact) et notre culture de l'interdit. Les fonctionnaires ne sont pas appelés à la rescousse, mais ça mériterait. Bon, soyons beaux joueurs, c'est de bonne guerre, surtout de la part d'un Anglais, surtout un lendemain de victoire socialiste.


Cela étant, même si encore une fois, je ne remets absolument pas en question l'immense qualité de The Eclectic One que je n'ai pas goûté (bis), j'avoue que, en tant que vieux con, je ne suis que moyennement convaincu, pour ne pas dire passionné, par ce genre d'expériences qui fleurent bon* le gadget marketing. On a déjà tellement de travail un peu partout pour tenter d'exprimer encore davantage le terroir (notion immobiliste s'il en est…) que je me demande si la priorité consiste à fabriquer ces Frankenstein du vin. Je me dis également que notre bon vieux système ringard des AOC est une vieillerie pas si néfaste que ça, au moins aussi intéressante que d'autres. D'autant que, franchement, avons-nous attendu les brillants et libres esprits anglo-saxons pour hermitager les bordeaux, pour laisser tomber quelques gouttes de cinsault dans des fûts de musigny, et pour écrire à la "belle époque" des manuels de coupages qui pourraient remplir plusieurs rayons des bibliothèques pinardières?


* hypothèse évoquée, soyons honnête, par Andrew Jefford

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