Le Point sur les i.


Comme tous ceux qui savent à peu près ce que représente une carte de Presse, j'exècre les leçons de journalisme. Et je n'aime pas plus en recevoir qu'en donner. L'objet de ces quelques lignes me pose donc vraiment un cas de conscience.
De quoi s'agit-il? De ce rapport de l'OCDE sur l'alcoolisme publié hier, et comme je vous l'expliquais ici, de la grande indulgence des experts de l'organisation pour le vin et la France, indulgence fondée notamment sur des chiffres, qui prouvent que l'Hexagone connait bien moins que les autres pays membres le phénomène du binge-drinking. Le rapport va même jusqu'à mettre en valeur l'initiation familiale au vin des enfants et l'impact de cette pratique sur leurs comportements futurs vis-à-vis de l'alcool. Des informations tout à fait positives donc, même si elles vont à l'encontre des thèses officielles du "prohibitionnement correct" français.


En toute honnêteté, je ne m'attendais pas à ce que cette "exception française" soit saluée par la Presse généraliste. Et ce au moins pour deux raisons: premièrement, du "prohibitionnement correct" qui hante les rédactions; deuxièmement, le mini-mini-digest du rapport traduit en français fourni et qui, restant dans les généralités, n'évoquait pas ce particularisme. Du coup, c'était tellement prévisible que je l'avais écrit dans ma chronique
Mais quand même! En découvrant la version numérique du Point, j'ai failli tomber de ma chaise! Un "édito" signé Anne Jeanblanc, spécialiste-labos, pardon, spécialiste-santé de l'hebdomadaire, et titré, je cite, Alcool, toujours des dégâts…, surtout en France, avec en photo d'illustration deux verres de vin. Je sais, on me dira que ce n'est pas elle qui a écrit le titre, que la photo, elle n'y est pour rien, etc… 
Alors, je lis l'article qui reprend, en le noircissant et en ne parlant presque pas en fait de la France, le petit communiqué de Presse en français de l'OCDE. Il y est bien sûr question du "binge-drinking" qui "croît rapidement chez les jeunes et les femmes" précise Anne Jeanblanc (sans préciser où) mais, bizarrement, l'exception française en ma matière est passée sous silence. Pourtant, regardez, ci-dessous, les tableaux qui évoquent le "binge-drinking" dans le rapport, on comprend assez facilement, en un coup d'œil, que la situation française est particulière (le petit trait bleu en bas), et pas en pire! Mais pour ça, encore faut-il l'avoir ouvert ce rapport. En page 52 très exactement. Tous les autres aspects positifs, liés notamment au vin, au contexte de consommation sont évidemment éludés dans "l'édito" d'Anne Jeanblanc.



Certains me diront que ça ne me regarde pas, qu'il s'agit du libre-arbitre de l'auteur, que chacun, Anne Jeanblanc y compris, choisit son angle. L'angle, c'est d'ailleurs ce qui fait la différence entre le foutoir besogneux et inintelligible d'un amateur, d'un blogueur hermétique qui se parle à lui même et un véritable papier de journaliste. Ce n'est pas faux, l'argument tiendrait si cet "édito" n'était pas un copier-coller bidouillé d'une dépêche d'agence, et surtout s'il n'était pas (en version hard) l'expression de ce "prohibitionnement correct" dont les spécialistes-santé de la Presse généraliste française nous ont offert hier une démonstration étincelante.
À l'unisson, parrot-like, les journaux, les radios, les télés nous ont raconté cette France bonnet d'âne de l'alcoolisme, la montée angoissante du binge-drinking, l'alcoolisme des femmes. BFMTV, Le Parisien, La Croix nous vendaient du naturalisme, de la misère à tour de bras. Zola, L'assommoir, Gervaise étaient de retour. Dans ce "cauchemar rêvé", ne nous manquaient plus que l'absinthe et les tremblements…


Je le répète, ça m'embête vraiment d'avoir eu à écrire ce que vous venez de lire. Mais ça m'embête encore plus d'avoir lu ce que j'ai lu hier dans la Presse française, et notamment dans Le Point, à propos du rapport de l'OCDE. Notamment dans Le Point, car cet hebdomadaire, sous la plume brillante de Jacques Dupont est un des rares à défendre le vin, il l'a prouvé il y a quelques jours encore avec sa couverture sur les hygiénistes anti-vin. Là, hier, ce mélange de paresse et de confort intellectuel était indigne.
Ça m'embête, surtout dans situation politique déliquescente de la France et même sur un sujet que certains vont trouver subalterne, de critiquer sa Presse, ce cœur-battant qui doit irriguer la Démocratie et que j'ai vu hier, sur ce sujet précis, ressembler à un pacemaker aux piles usées.
Ça m'embête, mais je le pense, ce pays, la France, la Presse de ce pays, une partie de son personnel politique et de ses fonctionnaires ont un problème avec le vin. Ce problème, il va falloir le résoudre.




















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