Trop d'étrangers au Tour de France ?


"Ils sont pas du tout venus nous voir, et c'est pour cela qu'on est dans une colère noire. On trouve ça scandaleux parce que le Tour de France est une vitrine de notre patrimoine culturel, sportif et économique. […] Nous avons étudié la carte du Tour de France et nous allons bloquer des étapes, bien sûr qui porteront le plus médiatiquement pour dénoncer ce scandale. […] On a préféré jouer à la stratégie de l'homme qui frappe et qui réfléchit après."


Devant la caméra de la télévision régionale, Frédéric Rouanet, le président du Syndicat des Vignerons de l'Aude soigne particulièrement bien sa gueule des mauvais jours. Dans son viseur, et celui de ses troupes de coopérateurs, la Société du Tour de France (Amaury Sport Organisation), qui a signé un partenariat avec l'entreprise chilienne Cono Sur, important groupe pinardier. Qui l'a renouvelé en fait, puisque cet accord perdure depuis 2014. Lors des étapes non-hexagonales de la compétition, une poignée de véhicules de la caravane (des taxis par exemple en Angleterre) étaient ornés de bouteilles géantes de la cuvée Bicicleta vendue par ce négociant. Cette année, donc, en 2016, ces véhicules, interdits de séjour en France pour cause de loi Évin, sillonneront quelques jours durant les routes suisses, andorranes et espagnoles. Rien de bien nouveau, donc.


Alors évidemment, à chaud, on se dit que, quand même, un vin chilien pour arroser le Tour de France, c'est un peu gonflé. La Presse en rajoute une couche*. Et puis, on réfléchit, on relativise. On souligne, comme l'Audois Michel Santo, que cette course cycliste est aussi par les images qu'elle diffuse du pays, de ses châteaux et de ses vignobles, un superbe outil de promotion du vin tricolore.
Et l'on s'interroge aussi sur cette pensée kolkhozienne, d'une autre époque, totalement oublieuse des réalités économiques de l'époque. C'est un contrat publicitaire, commercial, qui a été signé par les organisateurs et Cono Sur. Rien n'interdisait aux gros groupements coopératifs que connaît bien Frédéric Rouanet d'aller frapper à la porte de la Société du Tour de France pour aller faire le job, et négocier une éventuel partenariat. Pourquoi ne pas avoir été entreprenant? Dans le monde d'aujourd'hui comme dans la montée de L'Alpe-d'Huez comme en économie, la victoire revient rarement à ceux qui reste assis sur leur selle à l'arrière du peloton, dans le gruppetto, voire carrément sur le porte-bagages.


J'ajouterai qu'on n'a pas entendu ces mêmes viticulteurs audois s'indigner quand on trouvait l'an dernier dans la caravane du Tour de France, à toutes les étapes, des voitures Skoda, des frites McCain, du saucisson (chinois) Cochonou ou des montres Festina. J'espère d'ailleurs qu'aucun d'entre eux n'a jamais trahi la patrie en achetant un de ces produits étrangers qui souillaient la "vitrine de notre patrimoine culturel, sportif et économique"…


Plutôt que de vociférer et de menacer, ne vaudrait-il pas mieux pour les viticulteurs audois retourner dans leurs vignes et dans leurs caves, travailler leurs vins, les rendre meilleurs? Voyager aussi, s'ouvrir, aller voir ailleurs ce qu'il s'y passe. Rien qu'en France pour commencer: les bons exemples fourmillent de vignerons qui se sont battus sur leur terrain, celui de la qualité, et qui ont réussi.
Il serait temps de se rendre compte que depuis Montredon et les luttes viticoles, l'époque a changé. De comprendre que le kolkhoze est en état de mort clinique. Qu'il faut s'adapter au monde d'aujourd'hui, être conquérant, comme les Chiliens et tant d'autres, inventer des marchés et des marques; tiens, Frédéric Rouanet, faites-nous une cuvée Petit vélo, allez-y, je vous l'offre, ce n'est même pas déposé à l'INPI en classe 33. 


L'Aude, le Languedoc, ont un potentiel énorme. Parfois combattus par le système coopératif et la politique, malgré la pression administrative et fiscale française, des dizaines de vignerons indépendants, valeureux, innovants l'ont prouvé et continuent de faire chaque jour la course en tête; leur problème à eux qui ont "changé l'Aude en vin", , leur "crise", c'est souvent de manquer de produit pour satisfaire leurs clients internationaux. Cette échappée, il faut lui prendre la roue, c'est la bonne!
Car ce n'est sûrement pas en coupant la route du Tour de France, en se donnant en spectacle à la télévision, en donnant d'eux-même une image déplorable, violente, que les producteurs de vin audois, languedociens ou même français feront avancer leur cause. Bien au contraire.



* Lire ici, ici ou . On attend même paraît-il un papier de Decanter à ce sujet !



Commentaires

  1. Peut être que les producteurs de saucisse ou de frite ne se sentent pas concernés, pour ma part étant viticulteur, je vois la France comme le pays du vin, (malgré qu'il y ai de très bon vin ailleurs). De plus nous parlons d'un tour de France qui n'est plus un tour de France à mon sens. Enfin, je soutien Frédéric Rouanet pour son coup de gueule plutôt que d'agir comme un bon mouton français qui sais ce taire. Alors, en allant dans votre sens et surtout en la période actuelle vendons notre patrimoine, notamment nos appellations. Je vous invite à consulter le dossier trans-atlantique (TAFTA) sur ce point, qui existe depuis de nombreuses années, alors laissons faire et perdons notre belle agriculture qui est déjà bien dévalorisé par l'état pour des importations bourrées d'OGM ou des poulets lavés à la javel. Cordialement,

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