Pour manger aussi mal à la maison qu'au restaurant. (tome 2)


Mal manger, s'éloigner des racines du goût, c'est un travail au quotidien, méthodique et sophistiqué. Ne croyez pas qu'on arrive à effacer comme ça, d'un trait de plume, des années de culture! 
Il faut bien sûr, en premier s'attaquer à notre bibliothèque aromatique, la détruire méthodiquement. Dès le plus jeune âge d'ailleurs, bien avant la cantine et le buuurgeeer, avec les laits maternisés et les "petits pots".  Il faut aussi indiquer la voie, comme je le faisais dans le tome premier de cette chronique, expliquer au plus grand nombre que la merde de pousse-caddie, ça peut être gastronomique. Adouber, légitimer. Souvenez-vous, c'est ici que j'en parlais, sous la photo de Ferran Adria avec son cabas de Caprabo, les supermarchés espagnols.


Mais manger de la merde, ça ne suffit pas! Encore faut-il la préparer comme de la merde. Finis le grand feu et le mijotage, finis la patience, la prise de risque et le savoir-faire. Heureusement, grâce à un autre des grands empoisonneurs de la malbouffe chic et dopée*, chacun va pouvoir appliquer, à la maison, une méthode infaillible qui permettra d'y manger vraiment aussi mal qu'au restaurant.
Cette méthode, c'est bien sûr celle des cuisines industrielles et collectives, la cuisson sous plastique,, sous-vide, avec sondes, aussi poétique que la lecture du Journal Officiel. Elle seule permet de donner exactement le même goût à toutes les viandes, le veau devient du porc, le poulet de l'agneau, tout se confond. Et plus encore si on a pris soin d'ajouter dans la poche plastique (assez évocatrice des poches d'urine des coureurs du Tour de France) ce qu'il faut d'arômes artificiels et autres poudres de perlimpinpin. 


Nous voilà donc sauvé puisque Joan Roca, l'héritier de Ferran Adrià, spécialiste comme lui des additifs de complexes chimiques, a conçu le Rocook (une plaque à induction en fait) qui va permettre à tous de reproduire a la casa l'inimitable goût de cadavre bouilli qui signe la fantastique cuisson "à basse température", inventée à l'origine, il y a longtemps, pour les usines et les cantines.
Juste une remarque, histoire de montrer à quel point j'ai mauvais esprit: comment se fait-il que tant de cuistots qui emploient ce procédé industriel au restaurant, jamais, au grand jamais, ne l'utilisent à la maison, pour se régaler en famille ou entre amis? Et se font photographier devant des flammes, de la braise, des fours anciens? Refus du "progrès" ou simple envie de ne pas se taper la (mal)bouffe des clients? 



* À ce propos, parce que finalement sport et cuisine ont suivi le même chemin en Espagne, cet article du journal Le Monde sur le dopage qui montre à quel point on a un problème avec la tricherie outre-Pyrénées.


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